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LES ÎLES D’OR

Qui sont des hommes, verts d’âpre envie. On se fond
De joie au bruit féroce et suave qu’ils font.
On entend : « Il est roi, fils de la race élue.
« Il est diadémé du signe qu’on salue.
« Au firmament de l’art un nouvel astre a lui.
« Empêchons tous les yeux de le voir ! Jusqu’à lui
« Poussons les tourbillons d’une épaisse fumée
« Pour éteindre les rais de son aube allumée ! »
Et leur feu d’herbe sèche en nuages haineux,
Noirs, puants, rampe, roule et déroule ses nœuds
De ténèbres voulant étouffer la lumière.
Mais en vain ; car l’aveu de leur terreur première.
Et la lividité de leurs muffles hagards,
Et les larmes de fiel suintant de leurs regards,
Et leur empressement, et leur rage, et leur nombre,
Et, sous vos pas, le sol qui se couvre d’une ombre
Où l’on marche soudain sur des silex coupants,
À tâtons, et les pieds mordus par des serpents,
Leurs cris surtout, leurs cris d’impuissante colère,
Leurs grincements de dents contre l’homme stellaire,
Leur soif de s’abreuver au sang des demi-dieux,
Sont autant de miroirs, nets, purs et radieux,
Dont le flambant cristal de gloire vous présente
L’étoile que l’on porte au front, resplendissante.