Page:Richepin - Mes paradis, 1894, 2e mille.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Jésus eut-il fiance au ciel qu’il révéla ?
« Judas s’estima-t-il traître ? Leurs agonies
« Eurent alors l’extase ou la peine, infinies.
« Car la brève minute où l’être se déprend
« Contient tout l’infini dans son choc fulgurant,
« Et pour la prime fois l’ombre qui vous enserre
« Resplendit à ce coup d’une lueur sincère.
« Or, à cette lueur, loin de l’Agneau vendu
« Judas se condamnait puisqu’il s’était pendu,
« Et Jésus, pour remplir l’Écriture à la lettre,
« Se laissait mettre en croix, Dieu, puisqu’il croyait l’être ;
« Et de la sorte, en vérité je te le dis,
« L’un se fit son enfer, l’autre son paradis.
— Ô patron, maître des meilleures éloquences,
« Je comprends. L’acte en soi n’est rien. Les conséquences
« Ne sont rien. Et le tout, c’est d’avoir en effet,
« Entière et de plein cœur, la foi dans ce qu’on fait. »



Et j’ouïs le Malin me souffler à l’oreille :
« Fils, tu l’as maintenant, ta boussole. Appareille ! »