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soin, dirigeant ses condisciples d’une manière sévère, mais sans dureté et sans blesser leur amour-propre, et excitant leur émulation par ses sages conseils, et surtout par son exemple. Siang était fier d’avoir parmi ses écoliers un enfant aussi distingué.

Un jour de congé, les élèves étaient sortis hors de la ville, sous la conduite du maître, pour se livrer au plaisir de la promenade. Ils s’arrêtèrent dans une riante prairie, où un oiseleur venait de terminer sa chasse, et s’empressèrent d’entourer le marchand qui distribuait ses prisonniers en différentes cages, Tchoung-ni, en sa qualité de moniteur, surveillait les enfants, tandis que le vieux maître, assis au pied d’un arbre, méditait sur les écrits des anciens sages. Le petit philosophe s’amusa à regarder quelque temps les pauvres oiseaux qui se débattaient dans leur prison, et semblaient dans leurs chants plaintifs faire leurs derniers adieux à la liberté. Au moment où l’oiseleur se disposait à partir, il l’arrêta et lui dit :

— Je ne vois là que de jeunes oiseaux ; où donc, avez-vous mis les vieux ?

— Les vieux, répondit le marchand, sont trop défiants pour se laisser prendre ; ils font attention à tout, et ne tombent pas dans le piège. Les jeunes, qui vont avec eux, échappent également à nos filets. Je ne prends que les oiseaux qui se séparent de la bande ; et si par hasard il s’en trouve parmi eux quelques vieux, c’est qu’ils ont suivi les jeunes.

— Vous l’avez entendu, dit Tchoung-ni en se tournant vers ses condisciples. Eh bien ! les hommes sont comme les oiseaux. La plupart des jeunes gens, enflés de leur faible mérite, ne craignent rien, et croient pouvoir tout entreprendre sans consulter les vieillards ; ils dédaignent la société des sages, et, veulent marcher seuls. Mais la route est pleine de précipices ; ils s’égarent bientôt, et, comme ces petits oiseaux, deviennent les victimes de leur impru-