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que la gaîté y est aussi franche qu’au coin du feu d’un bon bourgeois de Paris ou de Berlin.

Le repas touchait à sa fin, lorsque le mandarin me demanda fort gracieusement si je désirais assister à une représentation théâtrale ou à des exercices de baladins. Je le remerciai, en lui disant que je préférais jouir de sa conversation, compliment qui parut beaucoup le flatter. Nous passâmes donc le reste de la soirée à causer. Le cousin du vice-roi est un véritable savant ; il a vécu intimement avec plusieurs missionnaires de votre ordre, qui, s’ils n’ont pas eu le bonheur de le convertir à la foi chrétienne, ont du moins singulièrement augmenté ses connaissances littéraires. Un incident est venu nous égayer au milieu de notre conversation. Le mandarin possède une assez bonne carte de géographie. Nous étions occupés à l’examiner, quand un des convives, gros mandarin tartare qui n’avait encore ouvert la bouche que pour manger, nous demanda si la Chine était cela, et il indiquait du doigt un des deux hémisphères.

— Non, lui dis-je, voici l’Europe, l’Afrique, l’Asie ; voici la Perse…

— Et où donc est la Chine ? reprit notre homme stupéfiait.

— Dans ce petit coin de terre, lui dis-je.

Je renonce à vous peindre l’étonnement de mon interlocuteur, qui regardait la carte en roulant de gros yeux et en répétant, sans cesse : « Siao-te-kin ! elle est bien petite, la Chine ! elle est bien petite ! »

La soirée était avancée ; nous bûmes le thé, et aussitôt après, je pris congé du mandarin. Il me fit mille amitiés et m’invita encore à dîner pour mon retour à Pékin. Il me reconduisit jusqu’au vestibule extérieur, et de là quatre domestiques m’accompagnèrent, portant devant moi des lanternes en toiles peintes. Cette journée, vous le voyez, mon cher ami, a été encore bien employée. Malheu-