Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/30

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trés, les savants, s’indignaient du despotisme qui pesait sur eux, et, ne tenant pas compte des glorieux travaux de Chi-Hoang-Li, lui reprochaient de ne pas suivre la politique de ses prédécesseurs. Plusieurs tentatives d’assassinat eurent lieu contre lui ; enfin l’opposition devint si violente que l’Empereur, sur la proposition de son ministre, eut recours à un singulier coup d’état. Croyant-que c’était dans les livres d’histoire et de morale que les mécontents trouvaient leurs inspirations[1], il ordonna, sous peine de mort, qu’on brulât tous les livres qui se trouvaient en Chine, à l’exception de ceux de médecine, d’agriculture et d’architecture, et des annales de son règne. Cet ordre, d’un barbare vandalisme, fut exécuté ; mais heureusement, beaucoup de monuments de l’ancienne littérature échappèrent au bourreau. Les lettrés ne se laissèrent pas abattre ; ils protestèrent de nouveau, et près de cinq cents d’entre eux expièrent dans les supplices leur généreux courage. Ces cruautés, et la destruction des œuvres littéraires de son pays, souillent la gloire de Chi-Hoang-ti ; mais le règne de ce despote n’en fut pas moins un des plus utiles à la prospérité et à l’agrandissement de la Chine. Quelques mois après son fameux décret, mourut le grand homme.

Jamais, et l’histoire n’en fournit que trop d’exemples, ces grands génies qui apparaissent de siècles en siècles n’ont, fondé rien de stable ; à leur mort, s’écroule le vaste édifice élevé par leurs puissantes mains, comme si Dieu voulait enseigner aux peuples effrayés

  1. « Ordonnez, Seigneur, dit le ministre Li-sse à l’Empereur, qu’on brûle généralement tout ce fatras d’écrits pernicieux ou inutiles dont nous sommes inondés ; ceux surtout où les mœurs, les actions et les coutumes des anciens sont exposées en détail. N’ayant plus sous les yeux ces livres de morale et d’histoire qui leur représentent avec emphase les hommes des siècles passés, les lettrés ne seront plus tentés d’être leurs imitateurs serviles ; ils ne nous feront plus un crime de ne pas suivre leur exemple en tout ; ils ne feront plus cette comparaison, toujours odieuse pour nous dans leur bouche, du gouvernement de Votre Majesté avec celui des premiers empereurs de la monarchie. »