Page:Rimbaud - Œuvres, Mercure de France.djvu/297

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et la langueur courbent à mes côtés ? Ce matin, tous les fronts, appesantis par le sommeil, étaient collés aux tables ; un ronflement, pareil au cri du clairon du jugement dernier, un ronflement sourd et lent s’élevait de ce vaste Gethsémani. Moi, stoïque, serein, droit, et m’élevant au-dessus de tous ces morts comme un palmier au-dessus des ruines, méprisant les odeurs et les bruits incongrus, je portais ma tête dans ma main, j’écoutais battre mon cœur plein de Thimothina, et mes yeux se plongeaient dans l’azur du ciel, entrevu par la vitre supérieure de la fenêtre !…

— 18 mai :

Merci à l’Esprit Saint qui m’a inspiré ces vers charmants : ces vers, je vais les enchâsser dans mon cœur ; et, quand le ciel me donnera de revoir Thimothina, je les lui donnerai, en échange de ses chaussettes !…

Je l’ai intitulée La Brise :

Dans sa retraite de coton
Dort le zéphyr à douce haleine :
Dans son nid de soie et de laine
Dort le zéphyr au gai menton !

Quand le zéphyr lève son aile
Dans sa retraite de coton,
Quand il court où la fleur l’appelle,
Sa douce haleine sent bien bon !

Ô brise quintessenciée !
Ô quintessence de l’amour !
Quand la rosée est essuyée,
Comme ça sent bon dans le jour !