Page:Rinn - Un mystérieux enlèvement, 1910.djvu/247

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La fierté de Bourmont s’en prenait à un homme, dont le crédit, encore qu’atteint par une disgrâce passagère, n’en était pas moins tout-puissant[1]. La bravoure des royalistes tourangeaux s’en prit à une femme, la vieille et faible Mme Bruley. Ils ne lui pardonnaient pas d’avoir trop vivement chargé leurs amis. Poursuivie de leur haine et de leurs colères, elle dut quitter Tours, dont le séjour lui était devenu difficile. « La santé de ma tante va toujours cahin-caha, écrivait, le 6 janvier 1802, le noble et courageux Bruley[2]. Je ne pense pas qu’elle doive espérer beaucoup mieux que cela. En s’observant comme elle fait, elle peut éviter les grandes infirmités et pousser loin sa carrière. C’est ce que nous lui souhaitons tous, et nos vœux pour son bien-être sont bien vifs. Elle fait faute à notre société, mais ses amis ne peuvent improuver son patriotisme. Tu ne peux te faire une idée de l’excès de haine que les royalistes lui portent, et tu connais sa conduite. »

Plus heureuse, jusqu’en son malheur, fut Mme Lacroix. Frappée par le même verdict qui avait frappé Gaudin, de Canchy et de Mauduison, elle bénéficia des mêmes indulgences, ces indulgences dont le préjugé politique couvre volontiers certains crimes de droit commun. On oublia, – ou l’on feignit d’ignorer – que, par ses révélations, elle avait amené leur arrestation, et la sympathie pour la victime fraya la voie à la compassion pour la femme. Fouché lui avait accordé la faveur de ne pas être séparée de son mari et de subir leur peine dans la prison de Loches. La naissance de deux

  1. Fouché.
  2. Correspondance privée de Clément de Ris.