Page:Rinn - Un mystérieux enlèvement, 1910.djvu/85

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voulu. En possession, depuis la veille, de la lettre apportée par Petit, elle s’était ressaisie : son mari vivait ; sa liberté était affaire d’argent ; elle paierait ; qu’était plaie d’argent en comparaison du malheur redouté ? Mais elle paierait à l’insu de tous. Son cœur lui dictait, pour se taire, des raisons que la raison d’État n’eût pas entendues : la rançon qui libérait le prisonnier ne rachetait pas le crime ; les magistrats ne pouvaient, sans forfaiture, se dérober au devoir d’en poursuivre les auteurs ; divulguer la proposition des brigands était lancer la Justice sur leur piste, et provoquer un conflit où son manque de discrétion mettrait en péril la vie du prisonnier. À la faveur du silence elle espérait rentrer en possession de son mari avant que les pouvoirs publics eussent le temps d’intervenir. Elle se taisait.

Muet aussi restait le chirurgien, gagné par elle à ses raisons. Vainement on le pressait de parler ; il ne savait rien, n’avait rien vu ; qu’eût-il pu voir ? un bandeau lui couvrait les yeux ! Voilà comment Savary quitta Beauvais sans avoir rien appris de ce qu’il comptait apprendre, de ce qu’il apprit à peine arrivé à Tours.

Le secret si bien gardé par Mme Clément de Ris y était su de tout le monde. Il n’était bruit que du retour de Petit, de la demande de rançon, des négociations entamées pour trouver l’argent ; on citait les prêteurs à qui l’on avait fait appel[1]. Ces bruits étaient-ils fondés ? Les autorités l’ignoraient : elles n’en avaient eu vent que par ouï-

  1. Lettres du Général Liébert au Ministre de la Guerre (7-10 vendémiaire). Archives du Ministère de la Guerre : Armée de l’Ouest.