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chez nous

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« Je suis vieux, dit le fléau, presque aussi vieux que toi. Pourtant, nous sommes encore solides : maintient en érable, batte en merisier, mon bois est sain ; il n’y a que les jointures qui font défaut : la rouille a rongé mon organeau de fer, le cuir de mes chapes s’est racorni. Notre temps est passé. Une machine a pris la place des batteurs en grange ; elle ronfle, elle grince, elle trépigne ; elle avale les gerbes toutes rondes, mâche rageusement les pailles, les remâche et les crache… Notre besogne était meilleure, et plus saine, et plus joyeuse. On étendait les gerbes déliées sur la batterie. Puis, les bras robustes levaient les fléaux ; les battes tournoyaient au-dessus des têtes, et, pan ! pan ! pan ! tombaient et retombaient en cadence sur les épis. Pan ! pan ! pan ! Les pailles perdaient leur fardeau. Pan ! pan ! pan !