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auprès d’un tel protecteur, se trouva tout naturellement porté à traduire Épictète, à l’aide du Commentaire de Simplicius. Ce fait a son importance, car la morale d’Épictète prenait valeur et force, en s’appuyant sur les dogmes platoniciens qu’avait tout particulièrement défendus Simplicius : une conscience de chrétien pouvait dès lors l’admettre sans scrupule. Simplicius donne en effet à la doctrine vigoureuse, mais un peu trop succincte, d’Épictète les principes de la métaphysique platonicienne. Cette liberté qui fait la dignité de l’homme, et que dégage si bien le Manuel, lorsqu’il indique par quels moyens nous la pouvons conquérir, en nous détachant de tout ce qui ne dépend pas de nous, Simplicius la fonde en raison, en montrant qu’elle est l’essence de l’âme, essence absolument distincte et séparée du corps et de ses passions, essence qui existe encore après la mort. Le corps n’est qu’un instrument dont l’âme se sert dans la mesure où il est possible de le faire, tout en développant son activité raisonnable. Avec Simplicius, le Manuel prend place, en quelque sorte, dans la philosophie platonicienne à titre de morale pratique. C’est l’impression très nette qui se dégage de la préface du Commentaire de Simplicius, que reproduira dans ses parties essentielles Politien, l’illustre traducteur du Manuel. Grâce au Commentaire de Simplicius, qu’un courant de philosophie favorable au platonisme avait mis en honneur en Italie, on pourra dire qu’Épictète apparut tout d’abord sous couleur platonicienne : un fait positif le prouve.

Ce qu’on appellera dans les éditions critiques l’édition « princeps de Venise » désignera une édition entremêlée du texte d’Épictète et du Commentaire de Simplicius. Un exemplaire de ce genre se trouve à la Bibliothèque Nationale et a dû appartenir au janséniste Ant. Feydeau. Le texte est complété et corrigé par des notes écrites à la main[1]. Cette édition remonte à 1528. Venetiis per Joan. Antonium et Fratres de Sabio, trouvons-nous

  1. Cf. Schweighäuser, Epicteti Manuale et Cebetis Tabula græce et latine, pp. xvii et xviii (Lipsiæ 1798). Il a plusieurs exemplaires entre les mains : un de la bibliothèque de Bâle, deux de la bibliothèque Joannea Hamburgensis dont l’un est annoté à la main et porte le nom de N. Le Fèvre en tête du volume ; l’autre, également