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D’ailleurs, il trouve qu’il se dégage de cette parole d’Épictète, si pleine d’énergie, une force admirable pour l’action, et pour l’action morale, car celui qui reconnaît ses propres passions doit, en le lisant, sentir l’aiguillon qui le pousse à les corriger[1]. Impossible donc, suivant Politien, de se dérober à l’influence morale d’un philosophe qui sait disposer tous ses préceptes dans un ordre admirable.

Les chapitres qui forment le Manuel tendent tous vers un centre unique le développement de l’âme raisonnable, et Politien exprime ainsi pour sa part le besoin d’ordre et d’harmonie cher à tout artiste véritable, en vantant l’efficacité de cet admirable Manuel qu’il importe, comme son nom d’Enchiridium, ou petit poignard, l’indique, d’avoir toujours comme une arme à la main.

Et si l’on veut avoir plus nette encore cette appréciation de Politien sur le Manuel, il faut reprendre la lettre qu’il écrivit au sujet d’Épictète à l’un de ses contemporains et rival, Bartolommeo Scala[2]. Ce dernier était, comme Politien, protégé de Cosme et de Laurent de Médicis ; chancelier de Florence, il était même compté au nombre des ennemis personnels de Politien. Le ton d’urbanité sur lequel lui répond le grand humaniste ne le laisse pas voir, mais n’exclut point cependant une certaine vigueur. Politien se croyait quitte envers ses contemporains, après leur avoir laissé cette traduction d’Épictète, qu’il estimait à bon droit comme très efficace et très salutaire. Or, il se trouve que Scala non seulement ne partage point son admiration, mais encore s’en prend directement aux enseignements d’Épictète qu’il trouve obscurs, surhumains et faux. Politien répond dans cette lettre, fort intéressante d’ailleurs, à ces trois arguments,

  1. Cf. Op. cit. « Sermo autem in eo omnino efficax est, atque energiæ plenus, et in quo mira sit ad permovendum vis. Suos enim quivis effectus meo agnoscit, atque eos emendandos, ceu quodam aculeo excitatur. »
  2. Cf. dans opera cit. cette lettre datée de Fiesole 1er août 1479 : « Putabam equidem factum a me satis quod Epictetum essem de græco interpretatus. » Cela prouverait donc clairement qu’une édition du Manuel avait été publiée antérieurement à cette date.