Page:Robert Arnauld d'Andilly - Stances Pour Jésus-Christ.djvu/8

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III.

Dans ce premier état d'une heureuse innocence
Tout climat en tout temps aurait porté des fleurs,
Jamais aucun malheur n'eut fait verser des pleurs,
Et sans cesse la paix eut donné l'abondance.
Comme un maître absolu dans sa propre maison,
Nous aurions sur nos sens vu régner la raison :
Et nous sommes, hélas ! dans l'exil de la terre
Esclaves, et non Rois, de nos affections:
Mais puisqu'à notre Dieu nous avons fait la guerre,
Nous pouvons bien l'avoir dedans nos passions.

IIII.

Convertissons nos yeux en des sources de larmes,
Jetons tant de soupirs qu'ils nous lassent le flanc.
Versons de notre cœur des déluges de sang :
Dieu ne peut résister à de si fortes armes.
L'excès de sa bonté ne saurait consentir
Que l'extrême douleur de notre repentir
Soit jointe au désespoir d'un éternel supplice.
Mais comment ma raison t'aveugles-tu si fort :
Que servent nos regrets pour faire cet office
Puisque tous par un seul ont mérité la mort ?