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Le Vingtième Siècle

Georges, d’un geste, montra deux phonographes placés sur la table, au milieu d’un fouillis de livres et d’instruments…

« Voilà, dit-il, mes parents se chamaillent un petit peu par l’intermédiaire de leurs phonographes… Laissons-les, cela n’a pas grand inconvénient, et je vais vous expliquer…

— Ils se disputent par phonographes ! s’écria Estelle, heureuse et soulagée.


Mme Lorris confie le sermon à son phono.

— Mon Dieu, oui ! Admirez les bienfaits de la science ! Vous n’ignorez pas qu’une certaine mésintelligence règne malheureusement entre mes parents, cela date de loin !… Vous connaissez mon père, un savant terrible, autoritaire, systématique… De plus, toujours absorbé par ses travaux et ses entreprises, il est d’une humeur assez difficile parfois… Ma mère est d’un caractère tout opposé, elle a des goûts tout différents ; de là, des heurts, des chocs, depuis le lendemain de leur mariage, paraît-il… Le grand mot de mon père, quand il est bien hors de lui, à la fin de toutes les querelles, c’est : « Madame Philox Lorris ! Tenez ! vous n’êtes… qu’une femme « du monde !!! » Ma mère tient bon ; alors que tout plie devant l’autorité du savant, elle entend garder sur tout ses opinions particulières… Et tous les jours, par suite de ces divergences de vues de mes parents, il y a discussion, querelle…

— Hélas ! fit Estelle tristement.

— Heureusement, ajouta Georges, grâce à cette science que ma mère s’obstine à ne pas vénérer, l’inconvénient est moindre que vous ne supposez, on se dispute par phonographe ! Quand mon père a sur le cœur quelque chose qui l’étouffe, une semonce, une scène à faire, il saisit vite son phonographe et se soulage en le chargeant de transmettre récriminations, admonestations, reproches amers et autres douceurs. Pas d’objections, pas de répliques qui gâteraient tout, le phono reçoit tout, mon père