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Le Vingtième Siècle

— Comment ! des deux ?

— Oui, de la doctoresse Bardoz, ou de la sénatrice Coupard, de la Sarthe… Je dois t’avouer, mon cher enfant, que j’ai eu des distractions en ces temps derniers… Je baisse, mon ami, je baisse… Je voyais beaucoup ces dames dans nos comités. Un jour, j’ai demandé la main de la doctoresse Bardoz et, deux jours après, par suite d’un oubli que je ne m’explique pas, j’ai aussi demandé celle de la sénatrice… Je suis fort embarrassé et ennuyé… C’est à toi de décider… Tu sais, j’ai eu acceptation immédiate, ces dames n’aiment pas à gaspiller leur temps ni celui des autres… Voyons, laquelle ?

— Ni l’une ni l’autre ! s’écria Georges en s’efforçant de ne pas rire ; votre distraction a été plus grande que vous ne le soupçonniez ; vous avez oublié que j’étais fiancé à une troisième personne… Et c’est celle-là que j’épouse.

— Ah ! sapristi ! qui donc ?

Mlle Estelle Lacombe !

— Aïe ! la jeune demoiselle encore imbue des frivolités d’un autre âge… Je n’y pensais plus du tout, je te croyais guéri !… Ah ! mais, nous en recauserons… nous verrons… Je me sauve ! »

Le samedi 27, le téléphono-agenda de M. Philox Lorris lui rappela que le jour fixé pour le mariage de Georges était arrivé. Quelle corvée ! Justement, il avait le matin une série d’expériences décisives pour l’affaire des miasmes, et ensuite une importante séance du Comité !… M. Philox Lorris s’habilla à la hâte et téléphona son fils

« Tu ne m’as pas dit avec laquelle ?

— Mais si, avec Mlle Estelle Lacombe !

— Alors, c’est décidé ?

— Tout à fait ! Toute la noce est prévenue… Maman s’habille pour la cérémonie…

— Je n’ai pas le temps de discuter… Tu y mets vraiment de l’obstination… Soit ! mon garçon ; je te préviens seulement une dernière fois que tu ne dois pas t’attendre à une descendance forte en mathématiques…

— J’y suis résigné !…

— Comme tu voudras !…

« Mais avec tout cela, me voilà fort embarrassé… avec mes deux autres demandes en mariage… Tu m’as tellement troublé depuis quelque temps, l’inconcevable légèreté avec laquelle tu arranges ta vie et