Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/127

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plus en plus rares, non que la prose de nos auteurs dramatiques soit moins chargée de qualités soporifiques que celle des vieux écrivains du siècle dernier, mais parce que nos dramaturges actuels ont soin de garnir leurs pièces de clous nombreux et de semer leur prose — ou leurs vers — de coups de fusil, pistolet ou mitrailleuse, de pendaisons, guillotinades, dissections et autres attractions qui tiennent forcément l’esprit en éveil.

CABINET PARTICULIER À LA TOUR DE NESLE.
CABINET PARTICULIER À LA TOUR DE NESLE.

M. Ponto, ennemi des émotions violentes, avait un faible pour les ballets, genre de littérature éminemment somnifère. Pour les ballets surtout, le téléphonoscope est précieux ; en assistant ainsi, pour la vingtième fois peut-être, à la représentation d’un ballet en vogue, M. Ponto avait fini par devenir amoureux d’un premier sujet, la très charmante Rosa, ballerine douée d’un grand talent et d’une pureté de lignes très appréciés des habitués de l’Opéra et des abonnés du téléphonoscope.

Au lieu de somnoler doucement dans son fauteuil, comme aux premières représentations de son ballet, M. Ponto s’était mis, premier symptôme, à rester éveillé jusqu’à la fin. Puis le téléphonoscope ne lui avait plus suffi et il était allé, pour voir Mlle Rosa de plus près, jusqu’au foyer de l’Opéra, dont il avait été jadis un des fidèles.

Mlle Rosa n’était pas de marbre — on le savait — et elle ne se montra pas cruelle du tout.

M. Ponto redevint, pour ses beaux yeux, un habitué du foyer de la danse. Les jours où, par hasard, il ne pouvait voler jusqu’à l’Opéra, il reprenait son téléphonoscope et suivait d’un cœur ému tous les pas de son