Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/209

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rages indignes de la Chambre, que l’honorable orateur qui m’a précédé à cette tribune n’a pas craint d’exposer longuement en les enveloppant de commentaires venimeux ! …

— À l’ordre, le ministre !

— Certes, j’eusse pu répondre aux accusations de l’honorable orateur par le silence du dédain, mais j’ai pensé qu’il était de la dignité du cabinet de procéder à une exécution plus complète des viles calomnies qui ont été apportées dans cette enceinte. »

Le ministre parla pendant un simple quart d’heure et il termina en déposant un ordre du jour de confiance pur et simple.

« Allons, messieurs, dit le président, après avoir agité sa sonnette, un concours d’ordres du jour ! Chaque élève va rédiger un ordre du jour, les moniteurs de chaque banc recueilleront les feuilles et les porteront aux professeurs qui mettront les meilleures compositions en discussion. »

Le silence régna dans l’école parlementaire pendant quelques minutes. Chaque élève, la tête dans ses mains, médita son petit ordre du jour ; puis les plumes grincèrent et les moniteurs passèrent devant les pupitres pour relever les compositions.

Louise Muche (de la Seine) daigna donner quelques bons avis à Hélène Colobry (de la Seine) sur l’élaboration de son ordre du jour.

« Vous n’êtes pas encore au courant, lui dit-elle, mais vous vous ferez bien vite à cet apprentissage des luttes parlementaires. Pour le moment, je vous conseille de rédiger un ordre du jour pur et simple, parce que si votre ordre du jour motivé se trouvait assez bien conçu pour mériter la discussion, vous seriez obligée de monter à la tribune…

— À la tribune ! s’écria Hélène effrayée.

— Sans doute, pour défendre cet ordre du jour… c’est un excellent exercice. Moi je vais rédiger un ordre du jour fortement motivé, portant approbation complète des actes du ministère avec quelques violentes attaques à la gauche masculine. »

Et Louise Muche (de la Seine) lut, cinq minutes après, sa composition à sa voisine.

« La Chambre, approuvant hautement le ministère d’avoir, dans quelques départements, tenu compte de la part d’influence à laquelle a très légitimement droit le parti féminin et comptant que le gouvernement va s’efforcer de faire droit à toutes les revendications des citoyennes françaises — passe à l’ordre du jour. »