Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/217

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n’avait pas déposé une seule demande d’interpellation et les ordres du jour qu’elle rédigeait, forcément comme tous les élèves, se bornaient toujours à cette simple phrase :

La Chambre, approuvant — ou désapprouvant — les actes du ministère, passe à l’ordre du jour.

« Elle n’ira pas loin, disait chaque fois à Mme Ponto l’éminent directeur du Conservatoire : les notes des professeurs sont unanimes, elle manque de facilités… tout ce qu’on en pourra faire, c’est une petite sous-préfète et encore dans un arrondissement tranquille. »

Entre deux séances du cours de parlementarisme, les élèves du Conservatoire suivaient le cours de journalisme, également divisé en deux classes, la classe de gouvernement et celle d’opposition. Les professeurs étaient pris en dehors, dans le journalisme parisien, parmi les plumes les plus autorisées. Certains cours, horriblement ennuyeux, n’en étaient pas moins suivis avec la plus grande attention par les élèves qui comprenaient leur haute importance ; le cours de discussion, surtout, était assez rébarbatif ; on y apprenait à disserter longuement sur l’interprétation du § 4 de l’article 145 de la Constitution, sur les attributions du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif et autres matières peu réjouissantes.

Toutes les semaines les classes se réunissaient ; on supposait une mesure prise par le gouvernement et les élèves avaient pour devoir les uns de l’attaquer et les autres de la défendre, sous la direction des professeurs. La semaine suivante les rôles étaient intervertis, les défenseurs du gouvernement devaient au contraire le combattre et les opposants le défendre. Cette excellente gymnastique assouplissait les plumes et les élèves journalistes y gagnaient de pouvoir, en sortant du Conservatoire, se lancer d’un côté ou de l’autre, avec toutes chances de réussir et avec facilité de changer de parti suivant l’occasion.

Si les professeurs gouvernementaux avaient pour qualité le sérieux et la solidité, les professeurs d’opposition étaient brillants et verveux. Le plus étincelant de tous, un pamphlétaire célèbre, faisait le cours d’éreintement ; il n’avait pas son pareil pour retourner un adversaire, pour l’injurier, le houspiller et finalement l’écrabouiller dans une prose ricanante, sous un amoncellement d’accusations monstrueuses et d’épithètes férocement comiques.

Hélène s’endormait aux graves fariboles du cours de journalisme doctrinaire, elle ne pouvait venir à bout de trouver une toute petite raison