Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/299

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1° Un grand opéra composé par une ingénieuse machine qui combine et triture les notes de façon à produire, à l’infini, des airs toujours variés. C’est la dernière découverte scientifique. Cette merveilleuse machine n’est pas sujette à explosion ; elle ne fait pas de bruit, enfin elle ne joue pas ses airs comme le malfaisant piano, elle se contente de les noter.

2° Un drame réaliste mêlé de chants en cinq actes. Par acte, six assassinats perpétrés par les procédés les plus nouveaux et les plus émouvants. Pour faciliter l’ingestion de ces scènes de carnage, l’auteur a appelé la poésie à son aide ; les victimes en tombant chantent un petit couplet ; les criminels font des calembours et chantent des rondeaux.

3°, 4°, 5° Trois pièces du siècle dernier remises à neuf. Tout ayant été fait, les auteurs d’aujourd’hui sont bien forcés de travailler dans le vieux ; ils prennent un drame et le transforment en opérette, retapent une comédie en opéra et retournent un vaudeville pour en faire deux drames.

6° Une pantomime du cirque avec une grande entrée des clowns dans une vieille voiture omnibus du xixe siècle, retrouvée dans une petite ville africaine et rachetée au poids de l’or.

Fut-ce négligence ou légère oblitération de ses facultés par le rhume, nous ne le savons, mais Hélène ne surveilla pas assez attentivement sa plume ; elle n’éplucha pas suffisamment ses phrases, car un de ses articles lui attira une réclamation.

Le téléphone lui apporta un matin la voix de son rédacteur en chef.

« On vous demande au journal, disait Hector Piquefol, venez vite ! »

Hélène, sans défiance, prit son chapeau et sauta en aérocab.

« C’est une réclamation suscitée par votre article de ce matin, dit le rédacteur en chef lorsqu’Hélène entra dans son cabinet… un peu mieux, votre article de ce matin, un peu plus nerveux… J’aime les réclamations, moi ; le journal est plus vivant quand il a des polémiques et des batailles à soutenir ! »

Hélène frémit.

« Un passage de votre article de ce matin a froissé quelqu’un… on est venu immédiatement au journal demander l’auteur de l’article… »

Hélène se sentit pâlir et chercha une chaise pour se laisser tomber.

« Je vous ai téléphoné tout de suite, je n’aime pas que les affaires traînent… les deux dames vous attendent…

— Ah ! ce sont des dames ! dit Hélène en respirant.