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Le Vingtième Siècle.

— Ah ! vous suiviez un cours spécial de séparations ?… fit le caissier.

— C’est excellent et très pratique ! dit Ponto ; j’approuve fort le conseil de l’instruction publique d’avoir introduit ce cours dans le programme des études.

— Ne devons-nous pas être armées solidement pour la lutte ? reprit Barbe ; nos professeurs appellent très justement notre attention sur ce cours… Dans le cours spécial des séparations, j’ai obtenu une mention particulière !

— Enfin, ma chère Hélène, jurisprudence à part, vous voici bachelière ès lettres et ès sciences !

— Oh ! vous savez qu’il n’est pas bien lourd, le bachot ès lettres. Pour faciliter et abréger les études littéraires, on a inventé les cours de littératures concentrées… Cela ne fatigue pas beaucoup le cerveau… Les vieux classiques sont maintenant condensés en trois pages…

— Excellent ! ces vieux classiques, ces scélérats grecs et latins ont donné tant de mal à la pauvre jeunesse d’autrefois !

— L’opération qu’on leur a fait subir les a rendus inoffensifs, tout à fait inoffensifs : chaque auteur a été résumé en un quatrain mnémotechnique qui s’avale sans douleur et se retient sans effort… Voulez-vous la traduction concentrée de l’Iliade avec la notice sur l’auteur ? La voici :

Homère, auteur grec. Genre : poésie épique. Signe particulier : aveugle.

     Sous les murs d’Ilion, dix ans passés, hélas !
     Les Grecs ont combattu, conduits par Ménélas,
     Ulysse, Agamemnon et le fils de Pelée.
     Hector, fils de Priam, périt dans la mêlée.


— Bravo ! s’écria M. Ponto, c’est très suffisant ; j’ai dans ma bibliothèque une autre traduction de l’Iliade en quatre volumes, mais je préfère celle-ci ; c’est plus clair et cela se lit plus facilement… À notre époque affairée, il faut des auteurs rapides et concentrés… J’admire beaucoup l’homme de génie qui a inventé la littérature concentrée.

— Les auteurs français n’ont pas eu besoin d’être traduits en quatrains, on en a fait des condensations en vers et en prose. Nous avons Corneille condensé en quatre vers :

     La valeur n’attend pas le nombre des années.
     Prends un siège, Cinna…, etc.