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la barricade elle-même, ils avaient tiré du musée d’artillerie quatre couleuvrines du temps de François Ier ; mais à la quatrième bordée les couleuvrines éclatèrent avec ensemble ; les vaillants artistes, loin de se décourager, clouèrent leur drapeau au sommet de la barricade et continuèrent la lutte avec leurs arquebuses à roues et leurs escopettes à silex. La barricade fut prise enfin, malgré deux sorties opérées par le bataillon des artistes.

Les volontaires féminines de Marseille gardaient la barricade suivante ; toutes brûlaient de se signaler, depuis la commandante jusqu’à la cantinière, sauf Hélène qui, simple journaliste à la suite, ne se croyait pas tenue d’opérer des prodiges de valeur.

Déjà quelques citoyennes avaient concouru à la défense des barricades précédentes, la commandante marseillaise, jalouse de leur gloire, se lança au secours de la forteresse artistique avec l’espoir de l’arracher aux mains de la troupe. Hélène, objectant la nécessité de prendre des notes, resta en arrière.

Hélas ! les volontaires marseillaises avaient trop présumé de leurs forces ; tout le bataillon, cerné par un flot de lignards, allait être fait prisonnier.

Les insurgés, voyant la mauvaise position des courageuses Marseillaises, poussèrent rapidement la barricade roulante du citoyen Barbizot du côté de l’ennemi ; Hélène, prise dans le mouvement, se trouva tout à coup au milieu de la bagarre, au moment où de nouvelles troupes de ligne s’élançaient pour repousser le mouvement des insurgés. Signalée par son bel uniforme aux coups de l’ennemi, elle allait tomber entre les mains des troupes, lorsque dans une bousculade, elle se trouva jetée contre la barricade roulante, que poussaient toujours le citoyen Barbizot et quelques braves. L’ouverture de la barricade-boule se trouvait justement devant elle, elle se précipita dedans et verrouilla précipitamment la porte de tôle. Elle était sauvée, pour le moment du moins.

Le citoyen Barbizot et ses acolytes poussaient toujours leur boule en avant. Hélène, cramponnée à la banquette, exécuta quelques tours sur elle-même, sans se faire de mal, heureusement ; puis la boule s’arrêta. Le citoyen Barbizot essayait d’entrer dans sa barricade pour canarder l’ennemi à son aise ; Hélène l’entendit tirer sur la porte.

« Sapristi ! s’écria le malheureux inventeur, ma barricade est fermée !… et voilà les séides de la tyrannie qui arrivent… pas moyen d’entrer ! sapristi de sapristi !… »