Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/431

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La résolution de Philippe était prise. Le difficile était maintenant de décider son père à rompre l’affaire Cardonnaz pour en conclure une autre si désavantageuse. Qu’allait dire M. Ponto ? D’un côté les deux cents millions de dot de Mlle Cardonnaz, et de l’autre les dix petits mille francs de rente d’Hélène ! Un esprit sérieux et pratique ne devait pas hésiter.

Philippe réfléchit. Il ne dirait rien à son père. Profitant de l’absence de M. Ponto, parti pour passer l’après-midi à Paris, Philippe fit part de sa résolution à sa mère et n’eut pas de peine à la mettre dans ses intérêts. D’ailleurs Mme Ponto était préoccupée, elle avait à rédiger un projet de manifeste des députées féminines de la Chambre. Le temps lui manquait pour discuter avec son fils ; en outre, elle n’aimait pas beaucoup la mère de Mlle Cardonnaz, qui l’avait sourdement combattue dans les comités du xxxiiie arrondissement, de sorte qu’elle fut enchantée d’être agréable à son fils et désagréable à Mme Cardonnaz.

Barnabette, camarade de collège d’Hélène, entra aussi dans le parti de son frère et voulut immédiatement aller embrasser sa future à l’hôtel de Rouen.

Philippe avait son plan.

En conséquence de ce plan, quelques jours après, un matin que M. Ponto était parti pour Paris, M. l’administrateur de l’agence centrale conduisait Hélène, vêtue de blanc, à la mairie de Mancheville, et se rencontrait dans la salle des mariages avec la famille Ponto, moins M. Ponto. Après les formalités d’usage, M. le maire de Mancheville se penchant vers le téléphone de la mairie, fit sonner le timbre et dit ces simples mots :

« Mettez-moi en communication avec M. Raphaël Ponto, rue de Chatou, à Paris. »

Une sonnerie annonça au bout d’une minute que la communication était établie.

« Monsieur Raphaël Ponto, consentez-vous au mariage de M. Philippe Ponto avec…

— Tiens, reprit la voix de M. Ponto, c’est donc pour aujourd’hui ?… je suis si distrait que je l’avais oublié…

— Monsieur Raphaël Ponto, consentez-vous au…

— Oui ! répondit M. Ponto ; excusez-moi, je suis occupé, séance du conseil de Central-Tube. Dites à Mme Ponto que je serai à Mancheville pour le dîner. »

Philippe était le mari d’Hélène, son plan avait réussi. On sait que les