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Le Vingtième Siècle.

qu’il y a dix ans Chantilly était encore hors barrière, en province… maintenant, c’est un faubourg…

— Et Rouen qui vient d’être annexé !

— Vers l’est, Paris ne va que jusqu’à Meaux…

— Nous verrons tout cela ! nous prenons un aérocab et nous volons d’abord chez le couturier. Aidez-moi donc à plier le plan…

— Nous l’emportons ? demanda Hélène.

— Certainement, nous pouvons avoir besoin de le consulter. »

Après un déjeuner rapide, les trois impatientes jeunes filles, laissant un adieu pour M. Ponto dans leur phonographe, montèrent dans l’ascenseur qui les porta en moins de rien au belvédère de l’hôtel.

Un aérocab les attendait. Sans même consacrer une minute au superbe panorama que l’œil embrassait de la plate-forme de l’hôtel, les jeunes filles s’installèrent dans le véhicule après avoir jeté l’adresse du couturier au mécanicien.

Mira, le grand couturier, avait son hôtel ou plutôt son château à Passy, non loin des hauteurs du Trocadéro, reliées à la plate-forme de l’arc de triomphe par un nouveau quartier aérien. L’aérocab fila en droite ligne par-dessus les ponts superposés de la Seine, les viaducs doubles et triples, construits pour les différents tubes, ces artères qui mènent et promènent sans cesse, du cœur aux extrémités de la France, des flots mouvants de voyageurs.

L’aérocab en approchant de Passy descendit à une altitude de soixante quinze mètres et modéra son allure. Depuis que le grand problème de la direction des aérostats a été victorieusement résolu, un changement des plus importants dans l’architecture des maisons a été imposé par l’importance de plus en plus grande de la circulation aérienne. Jadis on entrait dans les maisons par en bas et les beaux appartements se trouvaient aux étages inférieurs. Les étages supérieurs et les mansardes étaient pour les petites gens. Nous avons changé tout cela. Ce qui était naturel et logique pour nos bons et pédestres aïeux, ces gens si terre à terre, devenait impossible pour nous. On entre maintenant dans les maisons par en haut, bien que forcément l’entrée du rez-de-chaussée ait été conservée pour les piétons. On n’a pas pour cela deux concierges, ce qui eût été loin de constituer un progrès ; on n’en a qu’un seul, logé sur le toit, dans le belvédère d’arrivée même ou sous le belvédère ; ce concierge aérien communique avec l’entrée inférieure par un téléphonographe, moyen de communication très suffisant