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Le Vingtième Siècle.

modes pour monter en aérostat, et de plus, les femmes d’opinions avancées les considéraient comme les symboles de l’antique esclavage ; après quelques années de lutte mouvementée entre jupes longues et jupes courtes, ces dernières triomphèrent et le costume semi-masculin fut adopté par toutes les femmes.

L’imagination des couturiers, et en particulier celle de l’immense Mira, trouva des modèles charmants. Les femmes portèrent des jupes très courtes relevées sur des culottes de velours de soie, sur des molletières de cuir de Russie brodé d’arabesques ; les grandes élégantes arborèrent les toilettes archéologiques, des costumes Louis xvi, Louis xiii, ou moyen âge, ou 1830, toujours arrangés et masculinisés. Le champ de l’histoire est vaste : en poussant ses recherches vers la mode archéologique, M. Mira répondait au goût actuel universellement porté vers la science, et faisait d’heureuses trouvailles d’ajustements oubliés, de dessins pleins d’intérêt.

M. Mira rejoignit ses clientes après un petit quart d’heure.

« C’est fini, dit-il aux jeunes filles ; je n’ai pas abordé pour vous l’archéologie pure, je suis resté dans le domaine de la fantaisie historique. J’ai trois costumes à faire pour chacune de vous, j’en vois deux en fantaisie pure et un en fantaisie historique. Les croquis sont faits et les ordres donnés.

— Déjà ! fit Barnabette ; et peut-on voir les croquis ?

— Oh ! impossible ! répondit Mira, jamais je ne montre de croquis à mes clientes ! de deux choses l’une : ou elles me feraient des remarques et des observations, ou elles n’en feraient pas ; si elles n’en font pas, leur faire voir les croquis est inutile et si elles en font, cela gêne la verve, cela refroidit l’imagination ! Vous recevrez les toilettes dans trois jours ! »

Il était inutile d’insister.

Les jeunes filles s’inclinèrent devant le maître et reprirent leur aérocab.

« Et maintenant, dit Barnabette, tout à la promenade ! Mécanicien, à l’Arc de triomphe ! »

De grandes transformations venaient de bouleverser ce quartier de Paris. Depuis longtemps la place manquait dans le Paris central ; la nombreuse population qui ne peut s’envoler vers les quartiers éloignés, vers les faubourgs charmants qui s’allongent en suivant les méandres de la Seine jusqu’à Rouen, la vieille capitale normande devenue faubourg de Paris, ne trouvait plus à se loger, bien que les maisons eussent gagné