Page:Rocca de Vergalo - La Poëtique nouvelle, 1880.djvu/94

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mon appréciation, cela ne vous apprendrait rien. Tout est beau ; mais certains morceaux me plaisent plus que les autres : ce sont ceux-là que je sais par cœur à la troisième lecture.

Bénita, voilà ce qui m’a le plus ému, voilà ce qui m’a le plus charmé : en lisant ce poëme que l’on dirait écrit avec du sang, le vôtre, j’ai souffert de vos souffrances, vos pleurs m’ont fait pleurer., Le Départ, Les Adieux, l’apostrophe Aux tyrans, VAgonisant, V’Inhumation, Julio, tout, eafin, est beau, beau de cette beauté dont très peu ont le secret, car il faut subir le martyre que vous avez subi pour le dépeindre avec des couleurs aussi éclatantes.

Parmi tous ces chants, j’ai une prédilection dont je ne sais pas me rendre compte pour L’Agonisant et L’Inhumation ; j’ai tremblé et je tremble encore en les lisant.

Dans un autre ordre d’idées, mes morceaux favoris sont ceux où vous faites revivre le souvenir de nos vieux Incas : on sent en les lisant que l’auteur a dans ses veines du sang américain. Enfin, mon cher Poëte, votre œuvre est belle et vous avez le feu sacré. Vos malheurs, les chagrins qui attristent votre âme donnent à vos vers un parfum délicieux, car, pour dépeindre les souffrances, il faut les endurer.

Vous comprendrez aisément qu’il m’est impossible d’analyser votre œuvre, c’est une entreprise de longue haleine ; mais j’ai voulu vous transmettre mes premières impressions et je me réserve de vous en parler plus longuement dans un avenir très prochain.

J’ai un moyen infaillible pour reconnaître si je ne me suis pas trompé en jugeant une œuvre : je la lis à une femme qui ait du cœur, et je l’observe pendant la lecture.

Une dame à qui j’avais lu vos vers a refusé positivement