Page:Rod - À propos de l’Assommoir, 1879.djvu/73

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mon temps ne bornassent pas leurs amours éternelles aux premières amours des voyous. »

Voici maintenant le passage le plus violent de l’article de M. Zola consacré à M. Claretie :

« … Pourtant, les volumes s’entassaient avec une désespérante monotonie. Ils demeuraient tous semblables. Ils étaient tous aussi bons et aussi mauvais les uns que les autres. Et, à mesure que le tas grossissait, il s’en dégageait de plus en plus une insupportable odeur de médiocrité. M. Jules Claretie promettait toujours, mais ne tenait jamais.

» J’ai souvent réfléchi à ce cas. Il est un des plus navrants qu’on puisse voir. Je répète que l’écrivain a des allures littéraires, qu’il a une bonne tenue de style, qu’il campe un personnage comme un maître, qu’il possède en un mot tous les caractères de surface du talent. Et quand on l’ouvre il est vide ; c’est un fruit qu’un ver a mangé intérieurement, et qui s’écrase dès qu’on le touche. Il a une facilité déplorable, une faculté d’assimilation qui lui permet d’être tout ce qu’il veut, sans jamais rien être par lui-même. Sa plume court sur le papier, et ce n’est pas sa personnalité propre qui la conduit, ce sont les personnalités des autres, les souvenirs que malgré lui, par sa propre nature d’imitation, il emprunte à droite et à gauche. Il vit grâce à l’air ambiant, il prend des idées qui volent autour de lui ; jamais une idée ne lui sort directement du cerveau. Il a le procédé de ce maître, puis le procédé de cet autre maître, tout cela naïvement, sans qu’il s’en aperçoive, parce qu’il est né pour cela. Il