Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/162

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Hugues se retrouva bientôt conquis par cette face mystique de la Ville, maintenant qu’il échappait un peu à la figure de sexe et de mensonge de la Femme. Il écoutait moins celle-ci ; et, à mesure, il entendit davantage les cloches.

Cloches nombreuses et jamais lassées tandis que, dans ses rechutes de tristesse, il s’était remis à sortir au crépuscule, à errer au hasard le long des quais.

Cela lui faisait mal, ces cloches permanentes — glas d’obit, de requiem, de trentaines ; sonneries de matines et de vêpres — tout le jour balançant leurs encensoirs noirs qu’on ne voyait pas et d’où se déroulait comme une fumée de sons.

Ah ! ces cloches de Bruges ininterrompues, ce grand office des morts sans répit psalmodié dans l’air ! Comme il en venait un dégoût de la vie, le sens clair de la vanité de tout et l’avertissement de la mort en chemin…

Dans les rues vides où de loin en loin un réverbère vivote, quelques silhouettes