Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/166

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partout la basilique est semée. On pouvait dire vraiment qu’on y marchait dans la mort !

Aussi rien, ni les jardins des vitraux, ni les tableaux merveilleux et sans âge : des Pourbus, des Van Orley, des Érasme Quellyn, des Crayer, des Seghers aux guirlandes de tulipes jamais fanées — ne pouvait édulcorer la tristesse tombale du lieu. Et même, des triptyques et des retables, Hugues n’envisageait qu’à peine la féerie de couleurs et ce songe éternisé de lointains peintres, pour ne songer qu’avec plus de mélancolie à la mort en voyant, sur les volets, le donateur, mains jointes, et la donatrice aux yeux de cornalines — dont rien ne reste que ces portraits ! Alors il évoquait de nouveau la morte — il ne voulait plus penser à la vivante, à cette Jane impure dont il laissait l’image à la porte de l’église — c’est avec la morte qu’il se rêvait aussi agenouillé autour de Dieu, comme les pieux donateurs de naguère.