Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/82

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Bruges et avait évité de l’offusquer. Mais, en cette vie de province tout exiguë, rien n’échappe. Bientôt il suscita à son insu une pieuse indignation. Or la foi scandalisée s’y exprime volontiers en ironies. Telle la cathédrale rit et nargue le diable avec les masques de ses gargouilles.

Quand la liaison du veuf avec la danseuse se fut ébruitée, il devint, sans le savoir, la fable de la ville. Nul n’en ignora : bavardages de porte en porte ; propos d’oisiveté ; cancans colportés, accueillis avec une curiosité de béguines ; herbe de la médisance qui, dans les villes mortes, croît entre tous les pavés.

On s’amusa d’autant plus de l’aventure qu’on avait connu son long désespoir, ses regrets sans éclaircie, toutes ses pensées uniquement cueillies et nouées en bouquet pour une tombe. Aujourd’hui, c’est là qu’aboutissait ce deuil qu’on avait pu croire éternel.

Tous s’y étaient trompés, le pauvre