Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/85

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veuf lui-même, qui avait été sans doute ensorcelé par une coquine. On la connaissait bien. C’était une ancienne danseuse du théâtre. On se la montrait au passage, en riant, en s’indignant un peu de son air de personne tranquille que démentaient, trouvait-on, son dandinement et sa chevelure jaune. On savait même où elle habitait, et que le veuf allait la voir tous les soirs. Encore un peu, on aurait dit les heures et son itinéraire…



Les bourgeoises curieuses, dans le vide des après-midi inoccupées, surveillaient son passage, assises à une croisée, l’épiant dans ces sortes de petits miroirs qu’on appelle des espions et qu’on aperçoit à toutes les demeures, fixés sur l’appui extérieur de la fenêtre. Glaces obliques où s’encadrent des profils équivoques de rues ; pièges miroitants qui capturent, à leur insu, tout le manège des passants, leurs gestes, leurs sourires, la pensée d’une seule minute en leurs yeux — et