Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/103

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place Royale, c’est-à-dire — entre le faubourg Saint-Antoine et l’Hôtel-de-Ville — le coin de Paris le plus tumultueux, le plus menacé. Toujours il prit ainsi un soin farouche et méticuleux de ses manuscrits gardés chez lui, plus tard, dans une armoire de fer, près de son lit, et qu’il avait eu soin, dès l’origine, de vouloir en papier de fil pour en assurer la durée.

La Fin de Satan aussi, publiée seulement il y a quelques années, est d’une date fort reculée. N’est-ce pas curieux de penser qu’un tel ouvrage fût gardé inédit durant plus de trente années ?

Du reste, on trouva à la mort du poète une quantité vraiment effarante de papiers et de manuscrits. Ah ! le prodigieux inventaire — qui dura dix mois — plus d’un million de feuilles à coter et ranger dans des fardes notariales !

Heureusement que, pour confier sans peur le soin grave d’une telle publication, il possédait d’admirables amis, tel que M. Meurice, tel que Vacquerie. Mais n’a-t-on pas toujours les amis qu’on mérite ?

Grâce à ces affectueux zèles, les livres posthumes ont paru successivement ; et cela continuera ainsi quelques années — derniers échafaudages enlevés à mesure et découvrant quelques nouvelles tours, portails, gargouilles dans le colossal amas de pierres entassées qu’est la cathédrale du poète romantique.