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LES JOURS MAUVAIS.


Combien s’en vont tous seuls dans de froids paysages
Grandis par la chimère ou courbés par l’affront !
Linge de Véronique, étanchez leurs visages,
S’ils vont s’y imprimer, c’est la couronne au front !


II



Oh ! bonheur ! rencontrer une autre âme touchante
Qui dans votre abandon vous donne un peu d’amour,
Et, tous deux enlacés dans la nuit approchante,
Causer d’éternité devant la mort du jour !

Ivresse de goûter la sourdine de l’heure,
Ivresse d’être deux, qu’on veut diviniser,
Et mêlant tout un soir, malgré le vent qui pleure,
Des lèvres qui déjà ne sont plus qu’un baiser !

Et dans ce clair-obscur, les douloureux poètes
Interprètent leur âme et commentent leurs vœux,
Et ce sont des miroirs où se mirent leurs têtes
Pour voir confusément se mêler leurs cheveux.