Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/110

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Ses cheveux roux, tordus comme de lourds feuillages,
Frissonnent ; ses pieds nus avec les coquillages
De leurs ongles nacrés dont la surface luit,
Sont bruns comme le sable et lisses comme lui !…

Le vent et le soleil de l’été qui dardaille
Ont bronzé lentement ce profil de médaille
Et chauffé cette chair comme un fruit savoureux
Pour la robuste soif d’un robuste amoureux.

Aussi quand tous ces fats aux ardeurs de phtisique
Viennent lui seriner comme un air de musique
Le même compliment mignard ou libertin
Sur l’ampleur de sa gorge ou l’éclat de son teint,
Quand des vieux, savourant la douceur d’être dupe,
La tirent dans un coin par les plis de sa jupe
Offrant pour un baiser de somptueux cadeaux,
Elle leur rit au nez ou leur tourne le dos,
Si bien qu’en la voyant gagner sa maisonnette
Tous disent, maugréant : « C’est une fille honnête !… »