Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/54

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Avant l’amour il faut verser sur les mouchoirs
Des odeurs d’ambre et de verveine,
Comme on met de l’encens au fond des encensoirs
Pour commencer une neuvaine.

Il faut pour pimenter le festin des baisers
Et pour provoquer aux caresses
Quelques vagues parfums dans les cheveux frisés
Dont on va dénouer les tresses.

Et même quand on pleure après l’amour défunt
Le soir dans sa chambre morose,
Pour adoucir le mal il suffit d’un parfum
Qui sente le musc ou la rose.

Aussi quand je suis seul et le cœur sans rayons,
Humant des essences choisies,
Je sens frémir soudain, comme des papillons,
Mes rêves et mes fantaisies.

L’arôme capiteux dégagé des flacons
Me donne une extase physique,
Et plonge mon esprit dans des rêves féconds
Plus que le vin et la musique.