Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’entouraient, — en perçant les premières ténèbres, —
Quelques astres pareils à des cierges funèbres !…

Plus de chants, plus de fleurs, d’aveux et de baisers !
Ils étaient là, tremblants, malades et brisés ;
Dans les voiles le vent gémissait comme un râle ;
On eût dit des noyés, tant chacun était pâle,
Et les derniers rayons du soleil s’affaissant
Mettaient sur leur pâleur comme un filet de sang !…

Les voyant abattus et la mine défaite
Eux qui tantôt semblaient partir pour une fête,
Je songeais : C’est ainsi du voyage d’amour.
Au matin de sa vie on s’embarque un beau jour
Les mains pleines de fleurs, et le cœur plein de rêves ;
Mais à peine s’est-on élancé loin des grèves
Où l’on goûtait en paix un calme indifférent
Que le charme vous quitte et la douleur vous prend,
Car sur ces flots menteurs qui cachent plus d’un gouffre
On chante quand on part — quand on revient on souffre !…