Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour la cure, le moment propice où ils restèrent à deux. Il n’y avait plus aucun doute. Barbe tenait la preuve, le témoin muet et sacré. D’être renseignée jusqu’à la certitude, elle devint tout à coup furibonde, s’affola, les nerfs secoués en un branle-bas, en un grand frisson de flèches dans un carquois.

Peu après, Joris rentra ; c’était l’heure du souper ; il pénétra dans la salle à manger, où attendait déjà Godelieve. Barbe guettait, du haut de l’escalier, le souffle rauque, la tête bourdonnante, contente de savoir, comme allégée de tant de soupçons, signes, indices, dont elle avait porté le fuyant faisceau durant des mois. Maintenant, tout aboutissait à ces deux anneaux, se résumait en eux et elle les tenait si fort, d’une étreinte si fébrile, qu’elle manquait par moments de les écraser comme des fleurs.

Quand les complices furent ensemble, elle se précipita.

Son entrée fut la foudre.

— Misérables !

Le cri avait jailli à travers une voix toute changée, une voix haletante comme si elle avait longtemps couru.

Instantanément Godelieve présagea des désastres. Joris regarda, anxieux d’apprendre jusqu’à quel point elle soupçonnait.

Barbe accentua :

— Oh ! les deux misérables !

Elle se jeta du côté de Joris :