Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/272

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ting et, à cause de la caricature imputée au peintre, cherchait à le frapper, et Borluut aussi, par ricochet.

Celui-ci accepta la bataille bravement. Devant les réticences, les critiques niaises de la Commission, il proclama son admiration :

— Ces tableaux sont des chefs-d’œuvre ! On s’en apercevra plus tard. C’est le sort de tout art nouveau de déconcerter d’abord, même de déplaire. Bruges possède un trésor de plus et un grand peintre, dont le nom vivra dans l’avenir.

L’échevin et les conseillers protestèrent contre la leçon qu’en voulait leur donner. Ils avaient leur opinion, aussi légitime, et plus juste peut-être.

— M. Bartholomeus est votre ami ! Nous, nous sommes libres ! observa un d’eux, d’un ton colère.

La séance allait tourner à la dispute. L’échevin, plus prudent et retors, rompit en déclarant que lui et ses collègues feraient rapport au Conseil ; et tous se retirèrent.

Quelques jours après, le peintre reçut une lettre officielle lui notifiant que la ville, conformément aux conclusions de la Commission, ne pouvait accepter les peintures décoratives de l’Hôtel de Ville que moyennant certains remaniements et transformations, qu’une note détaillée lui ferait connaître ultérieurement.

C’était le coup lâche et prévu. Bartholomeus répondit instantanément qu’il ne toucherait plus à son œuvre, longuement mûrie et définitive ; que la com-