Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/293

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triomphale et diaphane, les filles de Bethphagé en des voiles de mousseline, caressant l’air de leurs palmes, psalmodiant des Hosanna ! Les rameaux pleuvaient dans ce printemps immatériel. Tout était blanc et vert. On aurait dit qu’un jardin s’avançait. Les Apôtres marchaient sur deux rangs, remerciant la foule à voix retentissante, proclamant le Christ. Celui-ci, parmi les enfants et les vierges, vint, monté sur l’ânesse légendaire. Pure figure auréolée ! Où l’avait-on trouvé, ce comparant visionnaire qui, pour lui-même, était sans doute Jésus, comme il l’était pour tous. Visage tel qu’un ostensoir ! Était-ce un homme du peuple qui avait cette fine beauté, pensive et émaciée ?

On aurait dit qu’une lumière brûlait au-dedans de lui comme dans les veilleuses. Il tenait deux doigts levés, dans l’allure de bénir et, durant tout le cortège, qui dura des heures, il ne modifia pas son geste. Il avait fait ce vœu, disait, autour de Joris, le peuple, qui le connaissait bien. C’était un homme pieux de la ville, et qui, à cause de sa sainteté, portait toujours sur la face cette clarté surnaturelle.

Les autres étapes de la Passion : la Cène, le Jardin des Olives, étaient représentées par les Stations de bois sculpté, qui s’espacèrent, accompagnées sans cesse de pénitents, d’anges, de clercs, qui tous déclamaient, vaticinaient, soufflaient dans des trompes, avertissaient des péripéties prochaines…

Des femmes passèrent, les bras nus, la gorge visible