Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/62

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pliqué comme la plaque d’une eau-forte. À distance, Borluut entrevoyait des personnages, des scènes indécises. Mais la cloche surplombait de trop haut pour qu’il pût rien discerner. Pris de curiosité, il s’aida d’une échelle, monta, arriva tout près. Le bronze était une folle orgie, une kermesse ivre et luxurieuse, des satyres et des femmes nues tournoyant autour de la cloche qui, ronde, activait leur mouvement de sarabande…

Par intervalles, des couples avaient culbuté ; ils s’entassaient, corps contre corps, bouche à bouche, toute la chair mêlée, dans la fureur du désir. Le bronze creusait, accusait les détails… Vigne du péché, aux fougueux caprices, qui se nouait, s’élançait, retombait aux parois — et les seins pillés comme des grappes !

Çà et là, des amants écartés, à un tournant de la cloche, loin de la danse s’affolant plus loin, goûtaient silencieusement leur amour comme un fruit. Ils avaient l’air de se faire l’un à l’autre la découverte de leur chair nue, qui n’était pas mûre encore pour la volupté… À part ces coins d’idylle, le Sexe partout triomphait, hurlant et cynique. Quelle surprise de trouver cette cloche ici, Vase de la Luxure, parmi toutes les autres, ses sœurs, qui se taisaient, sans souvenirs et sans mauvais rêves ! L’étonnement de Borluut redoubla quand, à l’intérieur, il découvrit une inscription latine, disant : « Ill mus ac R mus D. F. de Baillencourt Episc. Antw. me Dei Genitricis