Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/112

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Faisait luire et flotter un dernier rayon d’or ;
Et là, s’agenouillant seul devant une Vierge,
Laissant brûler son cœur à ses pieds comme un cierge,
L’enfant lui racontait dans l’ombre ses douleurs ;
Et lorsque son regard, au travers de ses pleurs,
A l’autel avait vu le Christ sur sa croix noire
Qui tendait tout en sang ses maigres bras d’ivoire,
Petit-Pierre trouvait son sort moins malheureux
Et, plaignant ses parents, priait Jésus pour eux !…

Mais dès le lendemain dans l’ardente fournaise
Il souffrait de nouveau, suant, mal à son aise ;
Et malgré l’air impur qui l’étouffait toujours,
Travaillait sans répit dix heures tous les jours.
Que gagnait pour cela cette machine humaine ?

Horreur ! il ne gagnait que cinq francs par semaine !…

Et lorsqu’il revenait le soir du samedi,
Son père lui prenait son salaire, alourdi,
Lui donnant d’une main que le cynisme enfièvre
Pour payer son courage un verre de genièvre !…