Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/122

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À Madame Louise Ackermann.





L’implacable Infini dont tu souffres, poète,
Nous en avons souffert comme toi, plus que toi ;
Et nous avons aussi, pendant la nuit muette,
Crispé nos poings d’ennui, de colère et d’effroi.

Nous avons comme toi crié dans nos alarmes
Vers ce Dieu morne et sourd qui nous laissait pleurer,
Quand un de ses regards eût pu sécher nos larmes,
Quand un de ses pardons nous eût fait espérer.

Dans ce siècle sceptique où s’éteint la croyance,
L’homme, désabusé des rêves immortels,
Est allé disséquer, au nom de la science,
Le Christ qui nous ouvrait ses bras sur les autels.