Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/21

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Quand nous étions petits, quelle chaude atmosphère
Nos haleines d’enfants soufflaient sur le foyer ;
Tout semblait rajeunir rien qu’à nous laisser faire,
Rien qu’à nous voir joyeux tout semblait s’égayer !…

Dans le jardin étroit nous nous roulions sur l’herbe
Avec le vieux griffon que son collier gênait ;
Et nous formions un groupe adorable et superbe
Sous le grand soleil d’or qui nous illuminait.

Et quand nous rentrions dans la maison, la mère
Grondait d’avoir sali le propre tablier,
Mais pas fort… et bientôt s’apaisait sa colère,
Car nos tendres baisers lui faisaient oublier !…

Elle aimait de nous voir coquets, et les dimanches,
Pour aller aux concerts, les petites mettaient
Des robes en tissu léger, à courtes manches,
Et des chapeaux de paille où des rubans flottaient.

Sous les yeux des parents qui marchaient en arrière
Nous allions tous les trois nous tenant par la main ;
Et parfois un vieux prêtre, en fermant son bréviaire,
Souriait de nous voir si beaux dans son chemin.