Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Enfin les oraisons et les cierges funèbres,
Quand l’agonie affreuse et lente a commencé,
Jusqu’à ce qu’un grand râle au milieu des ténèbres,
Portant leurs âmes à Dieu, sur nos fronts fût passé !…

Puis on les étendit dans de fraîches toilettes
Au milieu d’un salon qu’une lampe étoilait ;
On entoura leurs fronts de pâles violettes
Et l’on mit dans leurs mains un petit chapelet.

C’était si désolant cette exquise parure
De blanche fiancée au fond du salon noir
Que nous mettions notre œil au trou de la serrure,
N’osant pas pénétrer, mais voulant les revoir !…

Le jour où leurs cercueils allèrent aux absoutes
Parmi les chants de l’orgue et des enfants de chœur,
Le soleil tamisait par les vitraux des voûtes
Son or sur le suaire avec un air moqueur.

Et lorsque le cortège en deuil passa les portes
Du cimetière empli de fleurs et de soleil,
Les oiseaux paraissaient surpris de voir des mortes
Quand tout chantait ainsi dans l’éclat du réveil !…