Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/305

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restent de l’ancien régime, meubles, ustensiles, étoffes, dénotent une grande conscience chez ceux qui les fabriquèrent.

L’homme aime autant travailler bien que travailler mal ; je crois même que la première manière lui sourit davantage, comme plus conforme à sa nature. Mais il écoute tantôt les bons, tantôt les mauvais conseils ; et c’est actuellement aux mauvais qu’il accorde la préférence.

Et, pourtant, combien l’humanité serait plus heureuse, si le travail, au lieu d’être pour elle la rançon de l’existence, en était le but !

Pour que ce merveilleux changement s’opérât, il suffirait que tous les hommes suivissent l’exemple des artistes, ou mieux qu’ils devinssent tous des artistes eux-mêmes : car le mot dans son acception la plus large signifie pour moi ceux qui prennent plaisir à ce qu’ils font. Il serait à désirer qu’il y eût ainsi des artistes dans tous les métiers : des artistes charpentiers, heureux d’ajuster habilement tenons et mortaises ; des artistes maçons, gâchant le plâtre avec amour ; des artistes charretiers, fiers de bien traiter leurs chevaux et de ne pas écraser les passants. Cela formerait une admirable société, n’est-il pas vrai ?