Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/315

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un continuel échange de pensées entre tous les cerveaux d’une génération ; les journalistes, les romanciers populaires, les illustrateurs, les dessinateurs d’images mettent à la portée de la multitude les vérités que de puissantes intelligences ont découvertes. C’est comme un ruissellement spirituel, comme un jaillissement qui se déverse en de multiples cascades, jusqu’à former la grande nappe mouvante qui représente la mentalité d’un temps.

Et il ne faut pas dire, comme on en a l’habitude, que les artistes ne font que refléter les sentiments de leur milieu. Ce serait déjà beaucoup. Car il n’est pas inopportun de présenter aux autres hommes un miroir pour les aider à se connaître. Mais ils font davantage. Certes, ils puisent largement au fonds commun amassé par la tradition, mais ils accroissent aussi ce trésor. Ils sont vraiment des inventeurs et des guides.

Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer que la plupart des maîtres précédèrent, et de beaucoup parfois, le temps où triompha leur inspiration. Poussin peignit sous Louis XIII nombre de chefs-d’œuvre dont la noblesse régulière présage le caractère du règne suivant. Watteau, dont la