Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/59

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C’est qu’en effet, dans l’Art, est beau uniquement ce qui a du caractère.

Le caractère, c’est la vérité intense d’un spectacle naturel quelconque, beau ou laid : et même c’est ce qu’on pourrait appeler une vérité double : car c’est celle du dedans traduite par celle du dehors ; c’est l’âme, le sentiment, l’idée, qu’expriment les traits d’un visage, les gestes et les actions d’un être humain, les tons d’un ciel, la ligne d’un horizon.

Or pour le grand artiste, tout dans la Nature offre du caractère : car l’intransigeante franchise de son observation pénètre le sens caché de toute chose.

Et ce qui est considéré comme laid dans la Nature présente souvent plus de caractère que ce qui est qualifié beau, parce que dans la crispation d’une physionomie maladive, dans le ravinement d’un masque vicieux, dans toute déformation, dans toute flétrissure, la vérité intérieure éclate plus aisément que sur des traits réguliers et sains.

Et comme c’est uniquement la puissance du caractère qui fait la beauté de l’Art, il arrive souvent que plus un être est laid dans la Nature, plus il est beau dans l’Art.

Il n’y a de laid dans l’Art que ce qui est sans ca-