Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Maître, lui dis-je, vous m’avez déjà parlé du modelé et j’ai observé que, depuis, je goûte mieux les chefs-d’œuvre de la sculpture ; je voudrais vous questionner sur le mouvement, qui, je le sens, n’a pas moins d’importance.

Quand je regarde votre personnage de l’Âge d’Airain qui s’éveille, emplit d’air ses poumons et lève ses bras, ou bien votre Saint Jean-Baptiste qui paraît vouloir quitter son piédestal pour porter partout ses paroles de foi, mon admiration se mélange d’étonnement. Il me semble qu’il y a un peu de sorcellerie dans cette science de faire remuer le bronze. J’ai, d’ailleurs, souvent examiné d’autres chefs-d’œuvre dus à vos glorieux devanciers, par exemple le Maréchal Ney et la Marseillaise de Rude, la Danse de Carpeaux, les fauves de Barye, et j’avoue n’avoir jamais trouvé une explication tout à fait satisfaisante de l’effet que ces sculptures produisaient sur moi. J’en reste à me demander comment des masses d’airain ou de pierre semblent réellement bouger, comment des figures évidemment immobiles paraissent agir et même se livrer à de très violents efforts.


— Puisque vous me prenez pour un sorcier,