Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/96

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semblable. Et en effet dans la photographie instantanée, quand les jambes antérieures du cheval arrivent en avant, celles d’arrière, après avoir fourni par leur détente la propulsion à tout le corps, ont déjà eu le temps de revenir sous le ventre pour recommencer une foulée, de sorte que les quatre jambes se trouvent presque rassemblées en l’air, ce qui donne à l’animal l’apparence de sauter sur place et d’être immobilisé dans cette position.

Or, je crois bien que c’est Géricault qui a raison contre la photographie : car ses chevaux paraissent courir : et cela vient de ce que le spectateur, en les regardant d’arrière en avant, voit d’abord les jambes postérieures accomplir l’effort d’où résulte l’élan général, puis le corps s’allonger, puis les jambes antérieures chercher au loin la terre. Cet ensemble est faux dans sa simultanéité ; il est vrai quand les parties en sont observées successivement et c’est cette vérité seule qui nous importe, puisque c’est celle que nous voyons et qui nous frappe.

Notez d’ailleurs que les peintres et les sculpteurs, quand ils réunissent dans une même figure différentes phases d’une action, ne procèdent point par raisonnement ni par artifice. Ils expriment tout naïvement ce qu’ils sentent. Leur âme et leur