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WAPPING.

ges : le duc d’Orléans, comme un alderman pressé, s’était fait descendre au coin d’une rue avoisinant les comptoirs de Temple-Bar… Il ne venait pas à Saint-Georges l’idée de soupçonner le prince d’un autre crime que celui d’une bonne fortune ; il ne pouvait pas non plus le croire en péril, car Lameth et Laclos le rejoignaient à quelques pas… La vie que le chevalier menait à Londres était du reste une vie de lord : on se le disputait dans les plus élégans salons ; quand il dansait, la presse était aussi grande qu’au rout le plus magnifique. Le peuple propre et triste des rues de Londres, qui n’a jamais su parler ni marcher, mais qui en revanche se complaît à penser profondément, l’admira pourtant à l’égal du peuple de Paris ; il le nomma le plus séduisant des couloured gentlemen. On ne lui laissa pas plus le temps de réfléchir que de s’ennuyer ; c’était chaque jour pour lui nouveaux paris et nouvelles victoires. Le prince de Galles lui-même, ravi des talens de Saint-Georges, voulut le décorer de l’ordre du Bain : le chevalier eut la modestie de refuser.

Pendant les succès du chevalier, devenu en un clin d’œil le héros de tous les cercles, que faisait le duc d’Orléans, venu seulement, avait-il dit, pour mener à Londres une vie joyeuse et folle ? Vêtu, presque chaque soir, d’un habit de palefrenier, il abordait avec quelques complices obscurs l’entrée des tavernes silencieuses servant de repaires aux spéculateurs qui devaient l’aider de leurs fonds et de leur crédit. Laissant ses fauteurs se mettre en avant, il entrait et sortait sans dire mot ; le plus souvent