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LES BATONNISTES.

d’honneur que je dois assigner à ce jeune homme, permettez que je me retire chez moi.

— Vous pouvez lui écrire à cette table, un de mes gens portera la lettre.

— Je n’ai pas à cœur d’éveiller les soupçons du duc en demeurant chez vous à cette heure tardive ; de grâce, souffrez que je parte !

— Vous n’y songez pas, à deux heures du matin !… vous pourriez courir quelque danger… La nuit est noire, n’entendez-vous pas ces gouttes de pluie ?

— Il faut que je sorte ! reprit vivement Saint-Georges en saisissant son manteau. J’ai quelqu’un à voir cette nuit ; demain je vous promets de revenir.

— Quelqu’un ! avez-vous dit ? oh ! par pitié, ajoutez que ce n’est point elle… Jurez-le-moi, continua la marquise en joignant les mains.

— Je vous le jure !

— Saint-Georges, vous oubliez que demain vous avez cette triste affaire… Je ne vous verrai pas de la journée… Restez près de moi, je vous en supplie… Autrefois, il ne fallait pas vous supplier !

Elle avait penché doucement sa tête sur l’épaule de Saint-Georges… Mme de Montesson était encore belle ; en ce moment, son visage avait pris une telle expression de terreur que si le chevalier n’eût pas été en proie à tout un orage de pensées, il eût reporté sur cette femme un regard de compassion et d’intérêt. Mais le souvenir récent de son injure l’agitait comme la fièvre. Il avait hâte de quitter ce lieu dont chaque mur, chaque écho semblait lui répéter encore l’outrage de son imprudent ennemi. L’amour