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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

enviée que celle obtenue plus tard par le merveilleux Brummel. Les gentlemen, les lords et les squires, s’étaient empressés de copier son habit et ses gilets ; l’anglomanie, en revanche, lui avait imposé le chapeau rond et les bottes.

Le marquis de Stafford, en se promenant à Green-Park avec lui, un certain soir, s’était pris à lui demander pourquoi il n’écrivait pas ses mémoires ?

— Parce que je n’ai rien fait d’utile, répondit tristement le chevalier.

Et il devint sombre et morose tout le temps de la conversation.

Cette pudeur de Saint-Georges vis-à-vis du public était-elle une vanité ? Nous ne le croyons pas, nous qui tenons à cette heure en main quelques-unes de ses lettres. L’ambition de Saint-Georges, son ambition réelle, ce fut la cour ; malheureusement le patron qu’il avait pris et les singulières amitiés que le duc d’Orléans lui imposa devaient l’écarter de ce chemin.

En arrivant à Paris après cette courte absence, Saint-Georges le trouva incroyablement changé. Les préoccupations de la politique et les idées révolutionnaires avaient altéré déjà la gaîté parisienne et glacé le rire aux lèvres de ce monde nourri de chansons et de folies. Quelques mois avaient suffi pour faire de ce même peuple, ami du plaisir et futile comme le peuple d’Athènes, un peuple de sophistes et de lourds raisonneurs, disposé d’avance à accueillir l’établissement de toutes les théories législatives. En voyant ces hommes qu’il avait quittés lestes et beaux, partagés entre l’Opéra et la cour, courant tout le jour après